LA VIEILLE CHINE À TRAVERS L’OBJECTIF DE SARKISIAN

Il y a quelques années, Jules Nadeau m’a enchanté avec l’histoire méconnue d’un antiquaire et marchand de tapis qui a beaucoup voyagé en Asie dans les années 1940. C’était un sujet captivant que nous abordions chaque fois que nous partagions un cappuccino bien chaud. Mon ami écrivain possède une quantité impressionnante d’archives sur la longue vie de Harold Medill Sarkisian.

Ce qui m’a encore plus passionné, c’est que ce grand voyageur et érudit a pris des photos extraordinaires pendant qu’il était basé en Chine. Étant profondément passionné par la photographie ancienne, surtout les clichés pris en Chine, j’ai exploré son matériel du siècle dernier.
C’est tout simplement fascinant !

J’ai commencé à numériser ses meilleures prises pour voir si j’en avais suffisamment afin de publier un livre sur la vieille Chine. Et peut-être organiser une série de « Expositions Sarkisian ».

Stockées dans un sous-sol à Denver pendant 70 ans, ces centaines d’images n’avaient jamais été vues avant 2020, et elles documentent une époque de grandes épreuves et de résistance du peuple chinois.

HAROLD MEDILL SARKISIAN
(1909–1993)

Né à Denver, Sarkisian était le fils d’un médecin arménien renommé. Diplômé au Colorado, il poursuivit ensuite des études asiatiques à Harvard. En 1937-38, poussé par un profond désir d’explorer « l’Extrême-Orient », ce jeune diplômé audacieux passa plusieurs mois dans la ville traditionnelle de Kyoto, puis à Peiping (nom de l’époque pour Beijing), afin de pratiquer les deux langues.

En 1940, accompagné de sa ravissante épouse Ethel Henshaw, célèbre mannequin new-yorkais, il retourna dans une Chine alors occupée par les troupes impériales japonaises. Le couple vécut à Chongqing, Chengdu et Kunming, exerçant divers métiers dans des provinces fréquemment ciblées par les avions de guerre ennemis.

Ils retournèrent en 1948 pour soutenir les coopératives de tapis en difficulté dans le Nord-Ouest. Dans leurs lettres et journaux, ils faisaient l’éloge du peuple résilient du Sichuan et du Yunnan. Ils fréquentaient des personnalités progressistes comme Edgar Snow et Rewi Alley.

La vie quotidienne des laowai (étrangers) n’était pas facile à l’époque, mais « Sarki » (son surnom), grâce à sa maîtrise des langues locales et sa connaissance des cultures, étudiait les coutumes du peuple, les laobaixing. Les pellicules Agfa et Kodak étaient difficiles à trouver pour ses appareils Rolleiflex et Leica, et leur développement à Hong Kong coûtait cher.

À Peiping en 1938, il est assez amusant de voir ce Coloradois vêtu d’une longue robe mandarine. Avant la Libération, la pauvreté était omniprésente. Les monuments près de l’Université de l’Union de l’Ouest de la Chine (à Chengdu) sont aujourd’hui difficiles à reconnaître. Et que dire des cyclistes, chauffeurs de camion et moines en robe rouge ? Des ouvriers s’activent aux métiers à tisser, des marchands ambulants vendent à manger. Des jeunes filles et garçons sourient à l’objectif de Sarkisian.

Peu importe où il se trouvait, chaque photo a été prise par un lao pengyou (vieil ami) épris de la Chine et de son peuple si accueillant.

Jules Nadeau

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